L’urbanisme à Mayotte

L’urbanisme à Mayotte

8 décembre 2019 2 Par Alice SAPIR

De passage à Mayotte, je m’invite sur ce blog pour vous livrer quelques réflexions et ressentis sur l’aménagement urbain de cette île de 374 km² (a titre comparatif, Paris intra-muros fait 480 km²). Je ne prétends pas ici fournir un cours d’urbanisme mahorais mais plutôt donner à voir les spécificités de l’habitat de façon empirique et pragmatique.

Ce qui saute au yeux lorsqu’on arrive à Mayotte, c’est la densité du bâti : l’île étant composée en grande majorité de forêts tropicales implantées sur un relief vallonné, les populations se sont massées sur le littoral.

Parcellaire cadastral de Mayotte (source : Géoportail)

L’urbanisme à Mayotte est un urbanisme que l’on pourrait qualifier “de superposition” voire parfois un urbanisme “d’empilement”.

Mais d’abord, quelques repères chronologiques d’architecture : aux origines de l’habitat mahorais, les familles habitaient dans des “bangas”, une case de 10 m² composée de 2 pièces : la chambre et la cuisine dans la cour. Le banga possède deux portes : l’une donnant vers l’extérieur du logis utilisée par l’homme qui va travailler et l’autre donnant vers la cour intérieure pour la femme qui cuisine. Les murs des bangas sont en terre battue et le toit en fibre de bambou, que des matériaux locaux et naturels ! Les bangas sont construits sur une parcelle appelée “shanza” qui signifie également “la cour”. Vivre dans un banga, c’est appartenir à une communauté basée sur l’entre-aide : les jeunes garçons mahorais sont invités à quitter très tôt le banga familial (devenu trop petit) pour construire leur propre banga, et ainsi agrandir la communauté.

Dans les années 1970 à 1980, Mayotte, sous protectorat français, connaît une grande campagne de construction d’habitations en accession pour les familles souhaitant devenir propriétaires. La Société Immobilière de Mayotte (la SIM), subventionnée par l’État, construit alors des habitations en dur, à bas coût, grâce à l’essor des techniques de constructions peu coûteuses (principe du “poteau-poutre”). Ces maisons sont appelées “cases SIM” : elles sont construites en béton et en parpaing dans une architecture très basique : quatre murs et un toit ! Pour égayer le décor et différencier les maisons, la SIM propose une large palette de couleurs arc-en-ciel : chaque famille peut ainsi choisir la couleur de sa maison. Cela donne des villes et des villages très colorés avec des maisons de toutes les couleurs !

Maisons modernes multicolores à Mamoudzou (source : Alice)
ruelle abrupte à Mamoudzou



Enfin, depuis les années 2000, de nouvelles constructions voient le jour avec une grande disparité de l’habitat : de magnifiques résidences contemporaines sont réalisées alors que dans le même temps les habitations précaires en tôles ondulées se multiplient sur les flancs des collines.

Cette diversité de l’habitat donne un contraste saisissant lorsque l’on se promène dans les rues de Mamoudzou: les logements traditionnels multicolores jouxtent des complexes immobiliers tout neufs au pied desquels se forment des bidonvilles en tôle.

Côté infrastructures, Mayotte figure parmi les départements les mieux équipés de France : l’hôpital est rutilant (je parle du bâtiment, pas du fonctionnement interne, Anaëlle a écrit un article sur le manque de moyens médicaux), tous les villages ont un stade de foot bien entretenu, des écoles en dur, des collèges très capacitaires et les routes départementales sont en excellent état: Mayotte n’échappe d’ailleurs pas aux bouchons aux heures de pointe avec des voitures à la file comme sur le périph parisien !

bouchons dans les rues de Mamoudzou
stade de foot de Mamoudzou

Ces investissements laissent d’ailleurs parfois un peu songeur : lorsque nous voyons un panneau indiquant que le Département investit 200 000 € pour la mise aux normes des arrêts de bus (rendue obligatoire par la loi sur l’accessibilité de 2005) et que juste à côté des enfants en guenilles nous vendent des tomates au bord de la route, le décalage est un peu gênant.

Voilà ce que l’on peut dire sur l’aménagement de l’espace mahorais, une superposition de bâtiments très hétéroclites où vivent 270 400 habitants sur un petit îlot au milieu l’Océan indien.

bouenis vendant des fruits et légumes sur le bord de la route (Source : Alice)
Vue sur Mamoudzou